Par Clio Marshall
Allez, cette fois c’est officiel, il fait froid (ou presque), il pleut, il neige, il vente, c’est l’hiver avec un grand L apostrophe. Bien qu’on en profite, nous, pour enchaîner raclettes et repas de Noël afin de remplir nos petites poignées d’amour, les chevaux, eux, devraient plutôt en perdre. Et je me permets de faire ici une généralité parce qu’une IMMENSE majorité des chevaux que l’on fréquente dans notre beau pays qu’est la France est en surpoids.
L’idée est simple. Un cheval doit sortir de l’hiver prêt à affronter la richesse de l’herbe du printemps. Si on ne profite pas de ces quelques mois pour lui faire perdre ses kilos en trop, l’herbe verte ne viendra qu’engraisser un cheval déjà lourd et les beaux jours apporteront leur lot de problèmes : fourbure, dermite, boiterie, arthrose et j’en passe. Au printemps, il sera trop tard. Il est beaucoup, beaucoup plus facile de faire perdre du poids à un cheval l’hiver.
Croyez-moi, il vaut mieux que votre cheval finisse l’hiver comme le grand Digger que comme la petite Sweep. Son printemps n’en sera que plus heureux !
Le premier réflexe, lorsqu’on veut faire perdre du poids à son cheval, c’est de baisser ses rations. S’il est complémenté c’est une bonne idée, à condition de veiller à ce que les rations restent équilibrées. Si le cheval est au foin, par contre, c’est contre-productif. S’il est une chose sur laquelle on ne peut JAMAIS négocier, c’est l’apport de fibres 24h/24. Pourquoi me direz-vous ? C’est très simple. On passera pour cette fois sur les dangers médicaux d’une restriction (coliques, ulcères, développement de stéréotypies et j’en passe) pour se concentrer sur le cœur de notre problème de cette semaine, le régime. C’est très simple, en fait.
Le cheval est fait pour manger 15 à 18h par jour, en petites coupures.
Le manque, ou la peur du manque, est un facteur de stress pour le cheval.
Le stress met le cheval en état d’alerte et son corps se prépare aux éventuels dangers, tels que la famine.
En prévision, le corps stocke du gras.
On se retrouve avec ce poney qu’on connaît tous qui ne reçoit que deux minuscules rations de foin par jour et qui continue à grossir.
Le stress est un PUISSANT facteur d’obésité. Rationner un cheval, le priver de foin même dix minutes, c’est le mettre en situation de stress. Et je reformule une dernière fois, parce qu’on ne le dira jamais trop : pour faire perdre du poids à un cheval, il faut d’abord et avant tout lui offrir une source de fibre 24h/24. Deux choses que je pose là au cas où :
Si votre râtelier est vide, ou qu’il n’y reste que du foin moisi ou sale lorsque vous venez le remplir, c’est que votre cheval a manqué. Même dix minutes, il a manqué.
Le cheval dort tout au long des 24h qui composent une journée, sous forme de petites siestes. La nuit, il passe donc une grande majorité de son temps à manger.
Offrez une source de fourrage à votre cheval 24h/24.
Une fois qu’on s’est organisé pour que notre cheval ait accès à une source de fourrage 24h/24, on peut se pencher sur d’autres facteurs qui entrent en compte dans sa prise (ou sa non perte) de poids.
La capacité d’ingestion On l’a dit hier, le cheval est fait pour manger 15 à 18h par jour en petites coupures (on ne le répétera jamais assez). Et le terme « petites coupures » a toute son importance. Lorsqu’il met le nez dans la botte de foin, exit tout le processus de repérage, de tri, de sélection, de grignotage que l’on observe lorsqu’un cheval broute. C’est par bouchées entières qu’il retire le foin du râtelier, en jetant une bonne partie par terre au passage. Bon nombre de propriétaires utilisent aujourd’hui des filets à foin. Sans trop nous attarder aujourd’hui sur leurs atouts et inconvénients (on y reviendra si vous le voulez), il y a une chose que vous devez observer pour juger de l’efficacité de votre filet à foin : la quantité retirée à chaque bouchée. Si votre filet est vide en deux heures, alors il est inutile. Si votre cheval mange son foin par grosses bouchées malgré le filet, alors celui-ci n’est peut-être pas assez efficace.
La richesse du fourrage Luzerne et foin de regain sont à éviter pour les chevaux en surpoids. On leur préférera du foin de première coupe, voire, pour les chevaux vraiment gras, du foin un peu grossier ou de l’année dernière. On peut aussi compléter le foin avec un peu de paille classique (surtout dans un filet, où le cheval ne pourra pas trier) ou de la paille d’avoine (un peu plus riche), ou encore tremper le foin avant de le donner (il laissera une bonne partie de ses sucres dans l’eau). Bref, de nombreuses techniques existent pour appauvrir la fibre donnée l’hiver. Attention surtout à bien complémenter votre cheval en minéraux et vitamines, et à surveiller son apport en sel ainsi que son accès à l’eau !
Le mouvement Trop facile de rester le nez dans le foin, les fesses au vent ! Et surtout, tout sauf naturel. Dans la mesure du possible, essayez de pousser votre cheval à se déplacer dans son pré, en éloignant l’eau ou le sel, en le sortant en main, en répartissant les filets à foin à plusieurs endroits etc…
Ça demande un petit effort de réflexion et d’organisation, il faut peut-être changer une ou deux habitudes, mais c’est essentiel pour le bien-être des chevaux. Et bien souvent bénéfique pour le porte-monnaie !
Et pour avoir testé tout ça sur nos Chevaux de Skyros, on peut vous assurer que ça marche !
Maintenant c’est chouette, vous avez réussi à vous organiser, votre cheval a maintenant une source de fourrage disponible 24h/24 et on s’est arrangé pour que ce fourrage ne soit pas trop riche. Il reçoit son CMV, il a son apport en sel et un accès à de l’eau propre à volonté. Tout est réuni pour qu’il se régule et perde du poids. Tout ? Non. Une petite donnée qu’on oublie souvent résiste encore et toujours à ce super régime. Cette petite donnée, c’est la leptine.
La leptine, c’est ce qu’on appelle aussi parfois l’hormone de satiété. Elle est sécrétée par les tissus adipeux blancs (plus communément appelés la graisse), et elle se rend dans l’hypothalamus pour informer le cerveau que le cheval a eu assez à manger. Grâce au sentiment de satiété, il réduit sa consommation, et tout est parfait.
Maintenant si on reprend notre poney en surpoids. Le surplus de graisse va créer une inflammation au travers de substances qu’on nommes les cytokines. Or, les cytokines endommagent la partie de l’hypothalamus qui reconnait et traite la leptine. Notre poney sera donc incapable d’atteindre un seuil de satiété, et va continuer à manger, accumulant encore plus de graisse, qui vont renforcer l’inflammation et rendre le cerveau de plus en plus sourd au appels de la leptine. Notre poney est entré dans un vilain cercle vicieux. Ce qui explique que lorsque que vous mettez votre cheval obèse au foin à volonté, il continue à prendre du poids. Il est devenu résistant à la leptine. Deux choses.
Un régime sain prend du temps. Soyez patients et acceptez qu’il prenne quelques kilos de plus les premières semaines (on est plus à ça près, et pour les sujets à fourbure, c’est moins dangereux de faire ça à cette période qu’au printemps).
Traitez l’inflammation. Graines de shia, curcuma, oméga 3, vitamines A, C, E, huile de pépin de raisin, thé vert, spiruline ne sont que des exemples de complément qui viendront aider l’hypothalamus à retrouver un fonctionnement sain, et ainsi aider votre cheval à retrouver un sentiment de satiété et un équilibre.
Une dernière chose. Lorsque le cheval est soumis à un stress, il fait des réserves et augmente donc sa masse graisseuse (et renforce l’inflammation et la résistance à la leptine). L’un des plus gros stress qu’il connaisse, c’est le manque de nourriture (ou la peur du manque). Vous trouvez que j’insiste ? Oui, mais vraiment j’insiste. Certains chevaux ont été rationnés pendant des années. Certains chevaux ont grandi et vécu une bonne partie de leur vie avec la peur du manque. Pour eux, ce stress là est profondément ancré. Soyez patients, et soyez constants en ne laissant jamais leur râtelier se vider.
Allez, on fait le point ?
Pour ce cheval qui semblerait un peu gras (il existe de très bonnes échelles pour juger du poids d’un cheval, comme celle-là par exemple https://www.foxvalleyequine.com/body-condition-score-chart/). On profite de l’hiver pour lui faire perdre du poids.
On s’assure qu’il ait du foin à volonté, un CMV, un apport en sel et un accès à de l’eau propre.
On vérifie qu’il ait bien accès à du fourrage 24h/24.
On s’en assure une troisième fois.
On fait attention à la qualité du fourrage qu’on lui donne (pas trop riche).
On traite l’inflammation de l’hypothalamus.
On se montre patient.
Au printemps, on savoure le résultat de nos efforts. Et on constate que notre porte-monnaie lui aussi est content !
Quoi de mieux qu’une photo d’Echo, Iota et Achille à l’époque où il étaient en surpoids pour conclure tout ça ? Tout ce dont je vous ai parlé cette semaine, je l’ai appliqué ici sur les Chevaux de Skyros dont je m’occupe. D’abord sur Pepper, parce que son obésité lui causait de gros problèmes de santé, et puis sur les autres, pour empêcher l’engrenage. Les résultats sont là. Je ne reviendrais sur ces changements pour rien au monde.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter ces articles : http://gettyequinenutrition.biz/…/Thesecrettohealthyhorses.… http://www.techniquesdelevage.fr/entretenir-un-cheval-au-pr…
Et je vous invite à lire ça https://www.institut-benjamin-delessert.net/…/POITOU__CLEME… et surtout ça http://gettyequinenutrition.biz/…/Obesity.therealcause.ther… qu’on ne citera jamais assez. Merci, merci, merci Juliet.
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