Avez-vous déjà entendu parler de la troïka russe ?
Si ce n'est pas le cas, laissez-moi vous présenter cet étonnant attelage tiré par trois chevaux.
Le nom de cet attelage vient du russe troïka lochadiey qui signifie « le trio de chevaux ».
Il semble que la troïka soit apparue durant le 17ème siècle comme moyen de locomotion entre les relais de poste de la Russie. Il était de coutume qu'elle soit conduite par trois personnes.
Comme tout le monde la sait la Russie est immense et à cette époque rejoindre chacune de ses contrées entre elles n'était déjà pas une mince affaire. La troïka était composée d'une voiture hippomobile à roue ou d'un traineau à patins selon la saison et surtout, elle avait la particularité d'être très rapide, pouvant filer à 50 km/h au travers des immenses plaines russes.
C'est pour atteindre cette vitesse, nécessaire à la survie de l'ensemble du convoi que cette technique d'attelage fut créée.
En effet, les animaux sauvages capables d'attaquer un équipage traversant la taïga ou la steppe étaient nombreux, meutes de loups, tigre, ours, il était impératif de filer à vive allure.
Cependant, selon les intempéries il était possible d'ajouter des chevaux à l'attelage, allant jusqu'à 18 chevaux selon les écrits de Christopher Hansteen.
Mais ce qui fait toute l'originalité de la troïka c'est qu'il s'agit du seul attelage ou les chevaux ne vont pas à la même allure.
Au milieu, un grand trotteur appelé le korennik ou limonier en français, et de part et d'autre deux galopeurs également appelés bricoliers.
Le cheval de droite galope à gauche et le cheval de gauche galope à droite.
Le limmonier est le cheval le plus fort de l'attelage, c'est lui qui donne le rythme, ainsi les chevaux se fatiguent, parait-il, moins vite et peuvent parcourir de plus grandes distances.
Au dessus du limonier un arc en bois nommé "douga", surmonté de grelots, annonçait l'arrivée du convois aux alentours. Il est probable que les grelots, de par leurs tintements, aient également servit à faire fuir les éventuels prédateurs.
La première chose qui frappe en regardant ces attelages, et la façon dont les chevaux sont disposés en éventail.
Et pourtant, ceci est très logique. En réalité, il s'agit de forcer les galopeurs à prendre et à rester au galop à la main voulu.
Pour les non initiés, le cheval galope soit à main gauche soit à main droite, voici une petite explication :
Au galop à main gauche, le cheval pose successivement le postérieur droit, le bipède diagonal droit (postérieur gauche en même temps que l'antérieur droit), puis l'antérieur gauche pour se retrouver en phase de projection et recommencer ce même mouvement.
A main droite, c'est l'inverse.
> Sur ce GIF, on voit un cheval au galop à main droite. (Photographie de Eadweard Muybridge 1830-1904)
Pour forcer la locomotion du cheval au galop, qui est un déplacement que l'on pourrait considérer comme diagonalisé, il suffit de "tordre" le cheval. En effet on constate qu'un cheval va naturellement positionner sa tête vers la gauche pour galoper à droite et inversement. Si on induit cette posture, ce qui est le cas dans la troïka russe, le cheval n'aura pas d'autre choix que de galoper en fonction de l'orientation excessive de sa tête.
Ainsi, le cheval de droite qui a la tête complétement tournée à droite galopera à gauche, tandis que le cheval de gauche avec la tête tournée vers la gauche, galopera à droite.
Pourquoi cela rend-il l'attelage plus rapide et plus maniable ?
Et bien, en réalité, de cette façon, toutes les forces sont concentrées vers l'avant et vers le centre. Il n'y a donc aucune perte d'énergie vers l'extérieur, ce qui serait le cas si les bricoliers galopaient respectivement à leurs mains, celui de gauche à gauche et celui de droite à droite.
De cette même façon le trotteur qui se trouve au milieu n'est jamais tiré sur un côté ou sur un autre et son allure qui, elle, est symétrique, peut s'exprimer pleinement et être soulagée par le galop de ses deux acolytes.
L'attelage est donc léger, rapide et stable.
- Ouvrons ici une parenthèse car une question viendra à l'esprit de n'importe quelle personne voyant une troïka, les galopeurs ne se trouvent-ils pas dans un véritable inconfort ?
Il serait prétentieux de répondre avec certitude, mais la position tordue de l'encolure, si elle n'est pas relâchée après la prise du galop ne peut pas être sans incidences.
Quant au fait de ne jamais changer de pied, cela signifie que le cheval force durant toute la course sur les mêmes muscles, or, même les chevaux de course de galop peuvent changer de pied durant une course pour se soulager et retrouver de la puissance.
Il n'est pas précisé si lors de leurs grandes traversées les meneurs de troïka changeaient régulièrement les galopeurs de côté afin de les soulager physiquement. Espérons que ce fut le cas.
Fin de la parenthèse.-
Les paysans furent les premiers meneurs de Troïka, il fallait être expérimenté pour pouvoir mener une troïka et le métier qui se transmettait de père en fils devint prestigieux. Leurs vêtements étaient caractéristiques et ils étaient exonérés de certains impôts.
Puis les troïka s'étendirent à l'aristocratie sous la forme de voitures de louage, elles symbolisaient l'espoir et la liberté pour le cocher qui la conduisait.
Les chevaux devaient être sélectionnés et entraînés pour ce type d’équipage. Cette sélection donna d'ailleurs naissance notamment à la célèbre race du trotteur Orlov créée par Aleskey Orlov.
Mais les chevaux de race Viatka étaient également réputés pour leur endurance.
Les services de postes abandonnèrent progressivement la troïka avec l'arrivée du chemin de fer, en revanche leur utilisation comme voiture de louage, de festivités et de courses prit sont envole.
La première course fut organisée en 1840 à l'hippodrome de Moscou, on en fit aussi à Londres pendant l'exposition universelle de 1911.
Des jumelages de concours de troïkas sont organisés chaque année depuis 2000 entre l'hippodrome de Vincennes et celui de Moscou
La troïka reste un symbole important de la Russie.
Quelques liens vers des articles sur le sujet :
Bien à toi cher lecteur,
Cheval Ta Race.
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