Sommaire
Introduction :
Aujourd’hui nous allons nous intéresser à la podologie équine et à la première école de formation en France !
Historiquement, à partir du moment où l’homme a domestiqué le cheval, force est de constater qu’en fonction de l’usage fait du quadrupède, la protection de ses pieds, ou, tout du moins leur entretien est parfois devenu primordial. Car, comme le dit si bien le dicton « Pas de pieds, pas de cheval ! ».
Tout cela varie beaucoup selon le lieu géographique de résidence des peuples, et donc les sols des différentes régions du monde, le mode de vie du cheval, son utilisation etc…
On notera par exemple, que les mongoles n’ont jamais eu recours à des protections et qu’ils n’en ont toujours pas besoin aujourd’hui, et pour cause, les chevaux sont parfaitement adaptés aux sols de la steppe. Les chevaux ne sont montés que trois à quatre mois par ans, ainsi il y a un roulement, un cavalier ne montera pas le même cheval toute l’année. Et puis les chevaux ne parcourent pas souvent plus de 20km par jour, ce qui est un rythme normal pour un cheval en bonne santé.
Le nombre de chevaux permet également d’en changer facilement en cas de boiterie…
Avec les grecs, on voit apparaitre les premières protections, des pièces de cuir lacées, mais ce n’est pas pour tous les chevaux, seulement ceux qui sont utilisés pour parcourir de grandes distances, messagers etc… Dans ces écrits, Xénophon consacre même un passage sur comment stimuler les pieds des chevaux pour les rendre plus résistants. La majorité restant pieds nus, il est déjà noté de l’importance des aplombs.
C’est avec les romains et la création des premières routes qu’une protection en métal voit le jour, elle n’est pas clouée, mais attachée avec des lacets, mais ce n’est pas très stable et donc pas très pratique.
En réalité, on ne connait pas l’origine des premiers fers, il est supposé que les peuples d’Asie les aient amenés en Europe lors des invasions. Toutefois les premiers fers à clous semblent provenir des romains, tout cela reste un peu mystérieux, mais l’origine première n’est finalement pas si importante aujourd’hui.
Ce qui est à noter, et ce qui nous intéresse dans cet article, c’est que la prise en considération du pied, évolue avec le temps, en fonction du besoin et des connaissances scientifiques.
Or, notre usage actuel du cheval, n’a plus rien à voir ni avec les grecs, ni avec les romains pas plus que les celtes, les Huns, ou même l’Europe du moyen âge !
Nous ne parcourons plus des étendues immenses pour envoyer des courriers, nos guerres ne se font plus à cheval, et même l’équitation en soi a évolué.
Peut-être que ce qui est le plus proche aujourd’hui des activités de nos ancêtres, ce sont les chevaux de labours bien qu’ils soient bien moins nombreux et souvent remplacés par des machines.
De la même façon que nous avons revu nos harnachements, qui évoluent sans cesse en matière de design pour le confort du cheval et du cavalier, il semble logique de revoir également la façon dont nous traitons les pieds de nos montures.
En fonction des sols sur lesquels nous évoluons, et des avancées de la science sur la biomécanique, il est désormais de plus en plus facile de trouver ce qui convient le mieux à chaque cheval.
Le métier de podologue équin commence gentiment à trouver sa place, et petit à petit nous allons vers une meilleure compréhension et du pied et du cheval.
Mais comme toute profession nouvelle, les formations certifiantes sont rares !
L’IFPE-OUEST (Institut Français de Podologie Équine) est la première école de podologie en France qui permet d’exercer le métier de façon professionnelle !
Gwennaël Cadet, un des enseignants en maréchalerie et podologie équine au sein de l'école a accepté de répondre aux questions de Cheval Ta Race.
L’interview :
- Bonjour Gwennaël, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
- Et bien, je suis Artisan Maréchal-ferrant installé en Bretagne depuis plus d’une dizaine d’années. J’ai été formé puis j’ai travaillé 2 ans en Lorraine avant d’être diplômé au haras national du Pin. Après quelques années d’exercice tout à fait classique, j’ai décidé de m’orienter vers le pieds-nus en voyant les bons résultats que j’avais dans la réhabilitation des chevaux en fourbure chronique avec des méthodes dites « de parage naturel ».
Bilingue et formé à la recherche depuis mes études universitaires, je me suis donc intéressé à l’Equine Podiatry. Dirigé par des maréchaux-ferrants et des vétérinaires de renoms, c’est la voie médiane entre artisanat et médecine. Dans le monde anglo-saxon, il n’y pas ce clivage extrême que l’on a en France entre les pareurs et les maréchaux. Beaucoup de maréchaux-ferrants préfèrent même le titre de podologue équin à celui de maréchal pour spécifier qu’ils sont formés aux soins et à jour dans leurs connaissances des pathologies et des traitements.
- Sur votre page Facebook, on peut voir le terme « maréchal-déferrant », qu’est-ce que représente pour vous cette petite note d’humour ?
- Ce titre, ce sont les clients qui me l’ont donné d’eux-mêmes 😊 il y a plusieurs significations possibles selon les gens et les problèmes qu’ils avaient avec leurs chevaux : déjà je déferre les chevaux et les accompagnent vers le pieds-nus si cela est possible et ensuite je suis respectueux avec tous les chevaux (déférence). Le fait que je sois maréchal rassure beaucoup car les clients savent que j’aurai toujours un moyen pour aider les chevaux. Lorsque j’ai stoppé tout ferrage en métal, j’ai choisi de moi-même le titre de podologue équin qui me semblait juste.
À propos du pied nu :
- J’aimerais, si vous le voulez bien, que l’on définisse les termes avant d’aborder les questions. De cette façon, il n’y aura pas de confusion possible. Pouvez-vous nous donner les différences entre maréchal-ferrant, pareur et podologue équin ?
- Un Maréchal-ferrant est un artisan formé et diplômé par l’état, c’est un métier séculaire dont les connaissances sur le cheval sont théoriquement très vastes. À titre d’anecdote, il existait des maréchaux-ferrants et des hippiatres avant que les premières écoles vétérinaires soient fondées.
Un pareur (ou pédicure) est une personne qui s’occupe du parage des ongles des vaches, des chevaux, etc. Actuellement, il existe un cadre légal et une formation pour le métier de pédicure bovin, mais rien pour le parage des équidés.
Un podologue équin est un professionnel du soin des pieds et de l’appareil locomoteur du cheval issu d’un cycle de formation longue. Il s’occupe du parage, des soins, de la réhabilitation des pieds avec des techniques et orthèses physiologiques.
Dans le monde anglo-saxon, c’est une spécialisation de la maréchalerie ou de la médecine vétérinaire, les pareurs préférant s’appeler eux-mêmes autrement comme (traduit en français) : praticiens des soins au pieds, pareurs pieds-nus, pareurs naturels, etc.
En France, ce titre est utilisé par tout un tas de gens, du plus amateur au plus professionnel. Il ne représente actuellement pas grand-chose, car il n’est pas encadré par les syndicats professionnels et encore moins par l’état.
- Aujourd’hui, une sorte de guerre a lieu entre les inconditionnels du pied nu et les inconditionnels du pied ferré. Cela a-t-il lieu d’être ? Ou faut-il modérer ses propos pour ne pas entrer dans une forme d’extrémisme ?
- Cette guerre est surtout sur internet. La plupart des maréchaux ont autre chose à faire que de s’occuper de cela, leurs vies c’est le cheval et non Facebook. Du côté des pros pieds-nus, la critique et la stigmatisation sont très efficaces dans un but promotionnel. Les raisons de cela ? Les déceptions d’une mauvaise maréchalerie trop fréquente encouragée par la piètre qualité de notre niveau national de formation. Après quoi, il faut comprendre qu’agresser la maréchalerie c’est agresser des hommes et des femmes, car l’on parle de métiers-passions, de vies entières. Pas évident de se remettre en question ou d’être raisonnable dans ses réactions.
- De façon générale on a tendance à opposer maréchal-ferrant et podologue équin. Or, il s’agit, il me semble, de deux métiers différents. Un maréchal-ferrant et un podologue peuvent-ils travailler ensemble ou pas du tout ?
- Ce sont deux approches différentes dans bien des cas, mais pas forcément deux métiers distincts. J’encourage tous les maréchaux-ferrants que je croise à se former en podologie équine tout comme j’encourage pas mal de pareurs à se former en maréchalerie (et pas que pour l’aspect légal). La collaboration est, selon moi, toujours de rigueur quand on parle de santé : vétérinaire, maréchal et podologue (s’il n’est pas les deux) et ostéopathe. Les différences fondamentales sont sur la façon d’analyser les problèmes, d’en déduire des solutions et de les appliquer. Tout le monde peut obtenir une vision holistique et déductive en se formant.
- Certaines personnes assurent que certains chevaux ne peuvent pas être pieds nus. Est-il possible qu’un cheval ne puisse vraiment pas rester sans « protections » (fers, hipposandales, fers en plastique) ? Et si oui, pouvez-vous nous donner des exemples de cas ?
- Tous les chevaux peuvent être pieds-nus dans des activités naturelles sinon l’espèce aurait disparu. Par contre, ce que nous demandons à certains chevaux est au-dessus de leurs capacités, en dehors de l’aspect éthique de demander ou pas, notre intelligence et nos connaissances nous fournissent des moyens de les aider. À condition que ces moyens ne soient pas délétères sur le long terme, car ne respectant pas la physiologie et les principes biologiques et biomécaniques de base. Des exemples ? Tout ce qui dépasse le fonctionnement normal du cheval : 160 km en une journée en vitesse libre, sauter 1m60, enchainer un parcours sur divers terrains difficiles ou des haies d’1m10 sur 4Km.
- Pouvez-vous nous parler du mythe disant que « les pieds blancs sont plus fragiles que les pieds noirs », d’où vient cette idée ?
- Les pieds blancs sont plus souples que les pieds noirs par la composition de leurs parois. Plus fragile ? Non juste plus souple. La dureté des pieds noirs peut aussi être considérée comme une fragilité, tout dépend de l’environnement, de l’activité. Honnêtement, la couleur de la corne n’est pas un facteur que je prends en compte en podologie équine.
- La sélection humaine dans les différentes races de chevaux influe-t-elle sur la qualité des pieds des équidés ? Est-il vrai, par exemple, que les pur-sang ou les trotteurs de courses ayant été sélectionnés uniquement pour la vitesse, la qualité du pied n’ait jamais été prise en compte et se soit dégradée ?
- L’Homme fait partie des très rares espèces à être capable d’élever d’autres espèces pour diverses raisons. Nos critères de sélection sur les chiens et les chevaux étaient dictés par l’apparence (comprendre morphologie et équilibre) et la locomotion sans prendre en compte l’état réel de ce qu’il y a l’intérieur de l’animal. Ces critères, notamment de beauté, ont beaucoup évolués avec le temps et ont menés à des aberrations. Du point de vue locomoteur, nous avons encouragé, accentués certains types de déplacements, de gestes sans prendre en compte les pieds. Pour s’en convaincre il suffit de regarder les études morphologiques dans le temps sur dessins, puis photos des chiens de race et des chevaux du XVIIème jusqu’à nos jours. Nous avons créé des animaux inaptes à vivre convenablement, voir à naitre, sans nous.
- Beaucoup de personnes se retrouvent avec des problèmes en passant leurs chevaux pieds nus, boiteries, abcès, est-ce normal ? Pourquoi cela se produit-il ?
- Absolument anormal. Une transition doit toujours se passer sans douleur. Nous avons tous les moyens de l’éviter, je ne comprends pas lorsque l’on me parle de chevaux boiteux, souffrant pendant des semaines, des mois voir des années. C’est juste de l’ignorance et de la maltraitance. Les raisons sont trop nombreuses pour être listées 😊.
- Pouvez-vous nous donner quelques pistes pour que le passage pieds nus se passe le mieux possible ?
- Être accompagné d’un véritable professionnel, de préférence son maréchal si tout se passait bien ferré, ou un podologue certifié d’une formation longue si vous devez changer de professionnel. Il est aussi nécessaire de bien communiquer avec le pro et surtout d’observer, écouter son cheval. La douleur n’a jamais guéri personne…
- L’alimentation du cheval joue un rôle important sur l’ensemble de son corps, cela se ressent-il dans les pieds également ? Et si oui comment ?
- L’alimentation est la base pour rester vivant, tous les propriétaires devraient effectuer quatre stages avant d’avoir un cheval : un stage d’éthologie équine, un stage en bobologie, veille sanitaire avec un vétérinaire, un stage en nutrition et un stage en gestion de pâture. Avec ça en tête, on évitera beaucoup de frais, de frustration, d’échec et problème au cheval.
Pour répondre à la question, les pieds sont les fondations du cheval, ses interfaces avec le sol. Tous les chevaux sont carencés et mal nourris sans y porter une réelle attention. Comme les humains certes, mais nous demandons aux chevaux d’être des athlètes et de nous porter, alors aidons-les.
Les différentes méthodes de parage :
- Il existe, semble-t-il, deux théories répandues sur internet concernant la façon dont le pied (tout du moins l’extérieur du pied) porte le cheval, l’une étant que seules la fourchette et la sole doivent supporter le poids, l’autre étant que c’est l’ensemble fourchette, sole et paroi qui travaillent de concert. Existe-t-il aujourd’hui des données scientifiques permettant de mettre tout le monde d’accord ?
- Si la nature s’entête à produire des structures cornées depuis 50 millions d’années c’est pour des raisons spécifiques. La science est très claire là-dessus, le cheval porte son poids sur la paroi interne (l’externe étant usée ou cassée naturellement), la sole périphérique, la fourchette, les barres et les talons. Après, le degré de soutien des structures dépend des terrains.
- Que pensez-vous du « roll » ou chanfrein ? Est-il nécessaire, a-t-il une utilité ? Et, si oui ou non, pourquoi ?
- Le pied du cheval doit obligatoirement avoir des chanfreins si les terrains ne s’en occupent pas déjà. C’est aussi le cas pour tous les fers, et pour les mêmes raisons. Le principe est de limiter les contraintes ligamentaires et articulaires lors de la locomotion.
- Vous êtes le créateur de la première formation de podologie équine certifiant reconnue en France ! Bravo !
Pouvez-vous nous parler de la façon dont ce projet a vu le jour ?
- Déjà je n'en suis pas le créateur, mais plutôt le rêveur. C'est un projet commun de longue haleine dirigée par ma femme, Anne-Lys Pichon, qui a su dès le début me motiver, me soutenir et m'accompagner dans les démarches. En réalité, je ne suis qu’un des sept enseignants permanents de l’école.
Anne-Lys est l’instigatrice du passage du rêve au réel. Pour la petite histoire cela vient du fait que j'avais pris pour habitude de prendre en stage à la quinzaine beaucoup de jeunes maréchaux-ferrants et de pareurs pour leur montrer comment je travaillais en clientèle. Face à ce constat, ma compagne m’a alors soumis l’idée de créer un centre de formation plutôt que d'héberger la France entière régulièrement.
J'ai donc réalisé un petit sondage auprès des maréchaux-ferrants du grand ouest ainsi qu’auprès de mes contacts, ce qui m’a permis de constater que ce serait effectivement une bonne idée. Après avoir noté tous les stages que j’avais suivis, tous les métiers et les approches que j’avais découvertes sur les dix dernières années, j’ai commencé à créer le référentiel de formation et à réunir les intervenants.
- À qui s’adresse les deux formations que vous proposez, le MAP et le CCP ?
- Le MAP est uniquement pour les professionnels du soin aux équidés, maréchaux en premier, mais ouverts aux pareurs, vétérinaires, ostéopathes moniteurs, etc. Le CCP est la formation longue pour devenir professionnel.
- Existe-t-il des stages courts accessibles aux propriétaires d’équidés souhaitant se former uniquement pour l’entretien de leurs chevaux ?
- L’école organise une ou deux fois par an des stages pour les particuliers avec leurs chevaux.
- L’institut sert à la recherche équine, est-il possible d’accéder à des articles ou des vidéos permettant de suivre les avancées et les découvertes ?
- Pour le moment, nous ne faisons que la compilation, traduction et résumé de connaissances utiles aux métiers de podologues équins. Nos élèves sont engagés dans des projets de recherche dans leurs études, mais actuellement rien n’est public, j’en suis navré.
- Et enfin, pourquoi OUEST ?
- Parce qu'Anne-Lys et moi vivont en Bretagne 😊 et parce que d’autres centres ouvriront peut-être un jour comme dans le Sud par exemple.
Merci beaucoup Gwennaël Cadet d'avoir accepté de prendre le temps de répondre à toutes ces questions !
L'interview se termine ici, avec, je l'espère, suffisamment de réponses pour donner envie aux lecteurs d'en apprendre encore plus et d'approfondir le sujet !
Les liens vers l'IFPE Ouest :
Facebook : https://bit.ly/3sm3EWw
Site Web : http://ifpe-ouest.fr/
Liens vers l'histoire des hipposandales et des fers :
Merci à vous d'avoir lu,
Cheval Ta Race
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